Décès de Pierre Guerrier
Pierre GUERRIER s’est éteint le 28 avril 2023. Il a été l’un des pionniers français ayant participé à la grande aventure scientifique des années 1980-1990 qui a conduit à la découverte historique du facteur déclencheur de la division des cellules. Ses travaux autant que sa personnalité chaleureuse et enthousiaste ont marqué une génération de « cyclistes », les chercheur.e.s du cycle cellulaire.
Pierre Guerrier obtient son Doctorat ès-Sciences en 1970, à l’issue d’un travail en biologie expérimentale du développement concernant l’établissement des axes majeurs du développement précoce de nématodes, annélides et mollusques. Il effectue un stage post-doctoral d'un an à l'Université de Montréal et au Laboratoire international de Biologie marine de Woods Hole aux USA.
En 1971, Pierre est nommé Chargé de recherche à la station Biologique de Roscoff dans le Finistère. Maître de recherche en 1974, il constitue sa propre équipe de recherche avec Marc Moreau et Marcel Dorée, équipe qu’intègre ensuite Laurent Meijer qui vient de passer sa thèse de troisième cycle sous la direction de Pierre Guerrier.
A Roscoff, avec son équipe, il met à profit son expertise en biologie cellulaire et moléculaire au service de la Station biologique. Cette dernière gagne en notoriété grâce aux publications issues des articles de Pierre Guerrier et son équipe, dans Nature, PNAS, et autres journaux internationaux de prestige. L’essentiel du travail de son équipe s’appuie sur le modèle des œufs d’étoiles de mer avec lesquels il étudie le mécanisme d’action d’une hormone, la 1Méthyl-adénine, sur la reprise de la méiose. Il contribue ainsi de manière remarquable à la compréhension du cycle cellulaire et de sa régulation. Parmi ses résultats marquants, on peut noter la découverte d’un inhibiteur de la division cellulaire, qui sera à l’origine de la molécule « roscovitine » développée par Laurent Meijer. Cela lui vaut d’être distingué par la médaille d’argent du CNRS. Il est nommé Directeur de Recherche en novembre 1981. À ses talents scientifiques s’ajoutent des qualités humaines et un sens du dévouement au collectif qui lui valent d’être nommé directeur intérimaire de la Station Biologique de Roscoff en 1981-1982, suite au départ imprévu de son directeur.
Il quitte Roscoff en 1988 pour rejoindre le Laboratoire de Biologie de l'École Normale Supérieure de Lyon qui vient de s’installer à Gerland, où il poursuit l’élucidation des mécanismes de la régulation de la division cellulaire, une étape essentielle en oncologie, notamment pour la recherche de nouvelles cibles thérapeutiques du cancer. Ses modèles favoris sont restés les modèles marins ; étoile de mer, patelle, palourde, et moule offrant par les deux arrêts de leurs cycles cellulaires des modèles de choix pour comprendre leurs régulations. Les arrêts et reprises physiologiques de la division méiotique peuvent être étudiés aisément chez ces animaux aux œufs transparents, ce qui permet des études de microscopie, de grande taille, ce qui facilite les microinjections, et produits en abondance, ce qui autorise les analyses biochimiques à des stades naturellement synchrones. Ainsi, les recherches de Pierre Guerrier ont largement contribué à l’identification et la régulation du moteur universel de la division cellulaire, de la levure à l’homme, le complexe CDK1-Cycline B.
À un corpus de 120 articles publiés dans les meilleurs journaux s’ajoutent les talents de formateur de Pierre Guerrier qui a dirigé 16 thèses d’état ou d’université et un très grand nombre d’étudiants en DEA. Ses élèves ont essaimé avec succès dans de nombreux centres de recherches et beaucoup ont formé des équipes de recherches reconnues.
Pierre se retire en 1994 dans la commune de Bagnols où il se consacre alors aux deux passions qui l’ont animé, en dehors de celle de la recherche, l’une pour la mise en valeur du patrimoine local, l’autre pour la peinture dans laquelle il excelle. C’est dans ce joli village dont était originaire sa famille maternelle qu’il s’est éteint, à l’âge de 88 ans.
Pierre a été un mentor chaleureux, doté d’une profonde bienveillance, d’une gaité communicative et d’un délicieux humour pince-sans-rire. Sa générosité, son écoute, sa curiosité intellectuelle et sa liberté d’esprit ont profondément marqué tous ceux, élèves, collaborateurs et collègues, qui ont eu la chance de le côtoyer et à qui il a servi de source d’inspiration.
Rédacteurs : Robert Bellé, Catherine Jessus, Marc Moreau et Isabelle Néant le 2 mai 2023
Photo jointe : Pierre Guerrier en 2004 fêtant ses 70 ans à Bagnols